On The Adamant sur Docplay montre la vie dans un centre psychiatrique parisien

L'aspect théâtral du rapport des passagers à la caméra imprègne le film et François est clairement conscient de son public, composé des autres passagers et de ceux qui enregistrent sa performance (même s'il ne regarde jamais la caméra). Et les paroles de cette chanson captivante distillent non seulement la philosophie qui sous-tend le programme thérapeutique d'Adamant, mais incarnent également l'impulsion humaniste derrière les méthodes de Philibert. Ce qui, essentiellement, est une adhésion à la valeur de la collaboration dans un monde où – pour emprunter la légende finale – « la singularité est étouffée ».

François livre la chanson avec une urgence à couper le souffle. « Si tu laisses quelqu'un prendre ton destin en main/C'est la fin/Mon père ne peut pas dormir sans ses tranquillisants/Maman ne peut pas travailler sans ses dessus/Quelqu'un leur vend toujours ce dont ils ont besoin pour continuer/Je suis un bombardé d'électrons par protons/Le rythme de la ville est mon véritable patron.

Philibert reconnaît que l'acte de faire un film, c'est d'exercer un contrôle. « Filmer ceci, ce n'est pas filmer cela », souligne-t-il. « Placer votre caméra ici, c'est exclure d'autres vues. Editer, c’est renoncer. Mais il veille également à ce que ceux qui apparaissent dans ses films participent activement au processus. Leurs réponses à la présence des cinéastes guident la forme du film.

« Est-ce que vous me filmez ? demande Pascal, l'un des passagers, assis dans le café. « Je ne me suis pas rasé ce matin », continue-t-il en se frottant le menton en guise d'excuses avec un peu de « prends-moi tel que je suis » ajouté au mélange.

Puis, savourant l'attention, il commence à raconter aux gens derrière la caméra le café et le croissant que sa boulangerie locale lui offre tous les jours et les acteurs dont il se souvient d'une enfance remplie de cinéma : « Jean Gabin, Bourvil, Louis de Funès. , et ainsi de suite. Lino Ventura… Je les connais tous. Et quel est son nom, Michel Constantin. Regardant autour de lui avec un sourire malicieux, il ajoute : « Vous avez ici des acteurs qui ne réalisent pas qu'ils sont des acteurs… Les gens disent que c'est à cause des médicaments qu'ils prennent. Ce n'est pas le cas. Ils sont acteurs sans s’en rendre compte.

Parfois, les rôles s’inversent et les cinéastes se retrouvent interviewés. Muriel est assise seule sur le pont en moyen gros plan, face à la Seine, un masque COVID bleu autour du menton, des fleurs colorées à côté, la porte du café derrière elle, des gens qui y circulent. Elle se retourne, regarde devant la caméra et entame une conversation. « J'ai hâte de voir le médecin », explique-t-elle. « Je vais libérer tous mes… quel est le mot ? … Mes angoisses. Les médecins sont sacrément doués pour écouter les angoisses des gens.

Le réalisateur Nicolas Philibert a souhaité que les acteurs de On The Adamant participent activement au processus de réalisation du film.

Une coupure et elle change de cap. « Alors, quels sont vos noms? » demande-t-elle, prenant pleinement en charge la conversation, pointant vers le haut devant la caméra. « Ah, Erik (preneur de son, Erik Menard). » Elle se tourne vers le réalisateur, également hors cadre : « Et vous ? – avant de lui prodiguer un encouragement maternel : « Nicolas. C'est un joli nom. » Le humble « Merci » hors champ de Philibert est un bonheur.  » Et Erik ne l'est pas ?  » de Ménard. est hilarant. Muriel le rassure avant de les interroger sur leur matériel et comment ils arrivent à le trimballer partout.

Ce qui compte dans l'œuvre de Philibert, ce sont les petites choses, la façon dont les gens se révèlent à travers les moindres détails de leur vie. L'un de ses premiers films – sur les résidents et soignants de la clinique psychiatrique de La Borde qui montent une pièce de théâtre – s'intitule même Toutes les petites choses (1996, Youtube). C'est un autre film dans lequel le quotidien et le théâtral deviennent pratiquement indiscernables.

« Je considère que les petits événements peuvent être très importants et que la vie ordinaire est pleine de moments importants », explique Philibert. « Le cinéma peut donc être fait à partir de ces petites choses et pas seulement à partir de grandes histoires et de grands sujets. »

Ses méthodes contrastent fortement avec celles qui gouvernent les documentaires, qui insistent ouvertement pour que les téléspectateurs comprennent ce qu'ils veulent dire. « Mon approche n'est ni pédagogique ni didactique. Quand un documentaire fonctionne ainsi, en tant que spectateur, vous devenez un consommateur. Vous ne réfléchissez pas par vous-même. Ma façon de faire des films, c’est de laisser le spectateur réfléchir un peu par lui-même et non de lui dire ce qu’il doit penser.

Néanmoins, rares sont ceux qui pourront regarder Sur l'Adamant sans être profondément émus et inspirés par ce qu’ils voient. Jusqu'à présent, Philibert était surtout connu aux Antilles pour son superbe Être et avoir (2002, DocPlay), à propos d'une classe composite en France rurale. Ce film va forcément changer cela. Une merveilleuse illustration du pourquoi et du comment la vie de chacun est importante, elle vous donne envie d'en savoir plus sur tous ceux qui y apparaissent. Et la bonne nouvelle, c’est qu’il y a encore beaucoup à venir.

C'est la première partie d'un triptyque que Philibert a réalisé sur le système public de santé en France. Deuxième partie, Chez Averroès & Rosa Parks, dont la première a eu lieu à la Berlinale de cette année, se concentre sur le travail de deux cliniques psychiatriques à Esquirol, où sont principalement basés certains des visiteurs d'Adamant. Et la troisième partie, qui a débuté en Europe le mois dernier, La machine à écrire et autres maux de tête (2024), les revisite à l’intérieur de leurs maisons.

Sur l'inflexible est sur Docplay.