Vous pensez que les essais sont datés ? Lisez ce livre et réfléchissez-y à nouveau. Vous êtes les bienvenus

ESSAIS
La position des cuillères et autres intimités
Déborah Lévy
Hamish Hamilton, 45 $

La diminution de l’espace dont bénéficie la critique n’est pas une surprise. L'écriture indépendante survit-elle à l'époque et au contexte de sa création ? Déconnecté. Les collections publiées de ce que l’on pourrait (généreusement) appeler du travail de hack sont rares. Pour qui pensez-vous que vous êtes, en train de rédiger une écriture à la volée, pensant qu'elle pourrait – si les cieux s'alignent et que les cartes de tarot atterrissent correctement – ​​perdurer, digne d'être appréciée des années, voire des décennies, après sa commission ?

Peut-être que vous n'êtes qu'un des fidèles. Un clown chimérique ou un prestidigitateur. Ou peut-être que vous êtes Deborah Levy.

Le nouveau livre de Levy est un joyeux anachronisme. Un sentiment de possibilité. Limaces, escargots et queues de chiots. Nous avons des anecdotes, des filigranes fictionnels, des hommages aux fabulistes (Lewis Carroll, Baudelaire, Kenneth Anger), à Coureur de lame et l'artiste Francis Upritchard ; poèmes et appréciations (Paula Rego ! Meret Oppenheim ! Lee Miller !) ; prières pour les morts (Hope Mirrlees, première écrivaine moderniste et flâneuse intellectuelle ; Francesca Woodman, connue pour ses portraits en clair-obscur cinétique). Écrire, observe Levy, est avant tout une façon de regarder.

Ses présentations aux auteurs sont donc intensément personnelles. Il ne s’agit pas de la voix critiquement distante ou anonyme du journaliste effrayé ou de l’universitaire trop cool. Ce n’est pas la voix qui craint ou qui prend l’intimité pour de la présomption, l’avidité pour de la naïveté. Il est en communion avec ses sujets.

Jusqu’au début du siècle, il n’était pas rare de voir des critiques rassembler leurs bric-à-brac dans des anthologies. Je pense que cela fait partie de la joie et du réconfort de la critique de penser que cela est encore possible. Lorsque Levy décrit l'auteure française Colette comme « glamour, sérieuse, intellectuelle, ludique », elle imagine Colette comme une bricoleuse proto-punk et tourbillonnante. « C'était une écrivaine qui avait un but dans la vie. »

Le dernier recueil d'essais de Deborah Levy dégage un joyeux sentiment de possibilité.

Le dernier recueil d'essais de Deborah Levy dégage un joyeux sentiment de possibilité.

Pour Levy, en tant que compagnon de pratique, les introductions littéraires offrent l’occasion de se remémorer des souvenirs et de spéculer. Pour partager le sentiment de camaraderie « Chérie, je sais ». La camaraderie de potence. Levy comprend exactement ce que l'expérimentatrice littéraire anglaise Ann Quin pensait de sa vocation artistique. Quin avait – « tout comme ma propre mère intelligente et passionnée de livres » – travaillé pendant un certain temps comme sténodactylographe. Comme si les écrivains que nous chérissons étaient des voisins ou des membres de la famille. D’une certaine manière, si nos relations avec eux deviennent suffisamment intimes, ils deviennent des ancêtres spirituels. Parents à nos êtres et désirs les plus intimes. La toute première phrase du recueil : « Je suis tombé amoureux d'elle (Colette) avant de lire aucun de ses livres. » Avant Levy, la critique en avait connaissance, croyait-elle. Avant l'expérience, la perception.

C'est la foi. Ou du désir. C’est une grande partie de ce que Levy valorise dans l’art. Parce que le désir – comme les autres intimités – est une manière de se connecter à quelque chose dont on a besoin pour survivre, sinon pour continuer à survivre.