Chaque chose à son propre moment

« Il a rendu toute chose belle en son temps. » Cette citation, Ecclésiaste 3 : 11, m'a fait réfléchir au temps de Dieu, Kairos, par rapport au temps humain, Chronos, et à l'impact de ces concepts très différents du temps sur nos vies.

Chronos nous maintient tous dans son esclavage tyrannique et serré. Nous pointons de temps en temps. Nous travaillons dans le respect des délais et des échéances, des résultats et des indicateurs de performance clés. Notre temps n’est pas le nôtre, divisé comme il l’est par les maîtres du temps numériques et la prochaine notification par téléphone.

Le temps ne peut pas s'accumuler doucement autour de nous, mais doit être cartographié et régulé afin que nous ne puissions pas rêver ou permettre à une imagination vaine de nous transporter au-delà du fuseau horaire d'ici et maintenant et de nous dépêcher et vite ! Comme j’ai envie de flâner et de flâner, de m’attarder et de réfléchir, de prendre mon temps, de ralentir et de me baisser, de remarquer les petites choses…

La conception de Rudyard Kipling de la minute et de ses « soixante secondes de course de distance » semble appartenir à une autre époque. Crédit: BIBLIOTHÈQUE D'IMAGES DEA

C’est ici que vivent le mystère, l’émerveillement et le réconfort, un espace où la grâce et la gratitude entrent. C’est remarquer les premières fleurs du printemps, lire un joli poème, s’asseoir paresseusement sur un banc de parc au soleil et regarder les joies simples des enfants qui jouent et des chiens qui courent après des balles.

Le simple fait de s'asseoir tranquillement, sans liste de choses à faire ni autres urgences auto-désignées, est un moment privilégié pour réfléchir aux choses, grandes et petites, qui font la vie. Exaltations mineures et douleur existentielle. Certitudes et ambiguïtés. Réminiscence heureuse et planification future imaginative. Excursions mentales et prière.

Ces temps plus doux peuvent ouvrir une fenêtre sur nous-mêmes, un peu de temps pour regarder au-delà du vacarme et des exigences qui peuvent tellement déformer ce que pourraient être nos vies. Les moments Kairos nous permettent d'entrer dans une autre dimension, de nous déconnecter des esclavages des horaires et des contre-la-montre, de saisir la liberté du temps réel, une petite tranche de slow qui rétablit l'équilibre et le calme.

Cette belle vieille phrase « dans la plénitude des temps », avec son soupçon d’achèvement et de fruit, ne se déroule plus comme elle le devrait, mais est déchirée par l’immédiateté et la gratification instantanée dans un monde qui s’estime chanceux que quelque chose devienne viral.

La minute de Rudyard Kipling, avec ses « soixante secondes de distance parcourue », semble désormais appartenir à une époque révolue facilement écartée.

Le théologien Paul Tillich décrit Kairos comme le moment où l'éternel fait irruption dans le temporel. De tels moments sont les notes d’agrément du plain-chant de la vie quotidienne.

Alors que nous nous précipitons dans nos journées, peut-être pouvons-nous ralentir à un rythme qui nous encourage à prendre le temps de regarder à l'intérieur, de lever les yeux, de ranger le téléphone. Nous pourrions simplement trouver le bon moment pour chaque objectif sous le ciel et être témoins des petites joies que sont les centaines et les milliers dispersés de manière colorée sur le pain quotidien de la vie.

Ann Rennie est une éducatrice et auteure catholique, dont le livre Le mystique quotidien est à venir.