Joseph O’Connor est l’un de ces romanciers qui peuvent être un filateur captivant et également rédiger une phrase avec une grande attention à la cadence de la prose afin que vous soyez aussi impressionné par la musicalité de son oreille que par les torsions de son intrigue.
Celui-ci est une histoire éblouissante et le décor est Rome pendant l’occupation allemande – avec la différence cruciale que la Cité du Vatican, le domaine du Pape, est un espace neutre. C’est d’ici à Noël 1943 qu’un prêtre irlandais, Monseigneur Hugh O’Flaherty, organise l’évasion de nombreuses personnes recherchées par les nazis avec l’aide d’un groupe qui compose sa « chorale », dont un ambassadeur britannique titré, son Cockney minder, un Italien dynamique de la rue, une contessa, une Irlandaise, une journaliste homosexuelle et un officier professionnel de l’armée britannique, désinvolte et débonnaire.
Ils forment un équipage brillant et intensément sympathique, et ils sont courageux au-delà de toute croyance. Chacun d’eux présente une partie du récit via une interview ou une déclaration écrite du début des années 60, et il est remarquable de voir comment O’Connor maintient un récit cohérent tout en rendant justice à la qualité individuelle de ces souvenirs.
Au centre de tout cela se trouve le monseigneur, un homme de miséricorde et aussi dur que des clous, le genre d’Irlandais qui se battra jusqu’à ce qu’il tombe mais est aussi un homme religieux qui croit comme un article de foi dans le pardon d’un amour Dieu.
C’est une sorte de thriller historique riche en couleurs et avec une tendance au mélodrame qui n’est pas maîtrisée mais difficile de ne pas se laisser emporter. Il y a une rencontre pas tout à fait sinistre avec le pape Pie XII faite avec une magnificence délibérée et il y a un affreux scélérat qui est à la tête des SS et a une cruauté qui n’est pas séparée de son hystérie.
« Dans la maison de mon père, il y a plusieurs demeures », a dit Jésus. Ou des chambres comme O’Connor l’a à des fins de clarté. Il veut conjurer jusqu’au moindre détail : le chat aux yeux jaunes hautains qu’on appelle Cléopâtre, l’odeur de la poussière brûlée, les rats gonflés comme des monstres du règne animal, le ragoût fait de poumons, l’extraordinaire courage et le sadisme bestial gratuit de l’humanité .
La maison de mon père est une histoire exaltante d’escaliers sombres et tordus qui pourrissent et grincent et conduisent à de terribles chutes et à des visions cauchemardesques. Tout est exagéré et en même temps fait avec une vigueur formidable et irrésistible. O’Connor, frère de Sinead, est un maestro de toutes sortes d’excès : il met tout sur trop d’épaisseur, mais il est impossible de distinguer l’art du hackwork exubérant tant le mélange est si absolument mélangé.
Il appartient à des seigneurs du langage tels que Stevenson, Chesterton et Chandler, qui sont aussi des conteurs de contes. Il se baigne dans une éloquence dont il est maître mais qui risque aussi constamment de le dominer.