Le cynisme du sociopathe au premier plan dans un thriller environnemental

Au cours des 10 années qui se sont écoulées depuis qu’elle a remporté le Booker Prize pour son deuxième roman, Les luminairesEleanor Catton s’est tournée vers l’écriture de scénario, adaptant son best-seller en série télévisée et travaillant sur une version cinématographique de Jane Austen Emma. Le passage de la page à l’écran semble être une progression assez naturelle. Comme l’a noté un critique à l’époque, Les luminaires devait autant à l’esthétique des drames télévisés qu’aux énergies discursives du roman tentaculaire du XIXe siècle.

Une synthèse intrigante du littéraire et du télévisuel n’en est pas moins une caractéristique de Bois de Birnamla suite tant attendue de Catton Les luminaires. Contrairement à son prédécesseur, Bois de Birnam n’est pas un roman historique. Il se recommande cependant comme une fiction prête à l’emploi, fondée sur les conventions narratives du thriller complotiste, mais agrémentée d’une perspicacité romanesque à l’ancienne.

Eleanor Catton est le genre d’écrivain qui connaît ses personnages mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes.Crédit:Murdo Mac Leod

Le choix du genre est une indication des préoccupations plus larges du roman. Bois de Birnam concerne beaucoup la crise environnementale actuelle. Il a une inspiration évidente du monde réel chez Peter Thiel, le milliardaire américain de la technologie, qui a acquis la citoyenneté néo-zélandaise et y a acheté une propriété substantielle. La nouvelle que Thiel prévoit de construire un complexe élaboré a suscité des spéculations selon lesquelles il est en train de construire un bunker apocalyptique où il pourra surmonter la catastrophe mondiale qui se profile.

Bois de Birnam enveloppe ce concept de couches d’intrigues, tout en évoquant le conflit politique fondamental de notre époque. Il met le techno-capitalisme rapace, sous la forme d’un milliardaire américain suave nommé Robert Lemoine, face à face avec l’environnementalisme de base, représenté par un collectif de jardinage Kiwi rag-tag. Dirigée par la visionnaire néo-hippie Mira, avec l’aide de son adjointe à l’esprit pratique Shelley, Birnam Wood est une organisation financièrement précaire et juridiquement douteuse qui cultive des lopins de terre désaffectés.

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Les roues de l’intrigue commencent à tourner lorsque le collectif reprend une ferme isolée, apparemment abandonnée après un glissement de terrain, seulement pour que Mira rencontre Lemoine, qui l’informe qu’il achète la propriété. Plutôt que de les expulser, il propose un marché. Non seulement ils peuvent rester, mais il les financera également. Il peut se présenter comme un philanthrope écoresponsable pendant qu’il construit son bunker ; ils peuvent s’établir comme une organisation à but non lucratif légitime.

Une grande partie de la première moitié du roman concerne les arguments politiques et les tensions personnelles que la proposition génère au sein du collectif déjà agité. Celles-ci sont accentuées par le retour de Tony, un journaliste en herbe et ancien membre de Birnam Wood, qui a déjà eu une aventure ivre avec Mira. Idéaliste de gauche non reconstruit, Tony s’insurge – avec lucidité mais sans tact – contre l’idée qu’ils se vendent, mais en vain.

Le roman se déplace entre les perspectives de Mira, Shelley et Tony avec une grande habileté technique. Catton est le genre d’écrivain qui connaît ses personnages mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes. Elle entrelace l’action de longs passages souvent brillants dans lesquels elle décortique leurs insécurités, leurs vanités, leurs culpabilités et leurs travers. Elle s’intéresse à nous montrer comment ils négocient le terrain en constante évolution de leurs relations interpersonnelles, comment leurs croyances sont compromises et ironisées par les circonstances.

Cela devient moins important à mesure que l’intrigue s’accélère. Au fur et à mesure que ses intentions néfastes sont révélées, Lemoine devient l’énigme déterminante du roman, bien que Catton essaie de ne pas le dépeindre comme un méchant unidimensionnel. Le roman habite aussi sa perspective. Il dissèque son charme superficiel, son intelligence calculatrice, sa résolution d’acier. Il enregistre sa conscience de la façon dont il est perçu et sa volonté de jouer sur ces perceptions afin de manipuler les gens.