L'été dernier ★★★★½
(MA15+) 104 minutes
« Cela dépasse tellement de lignes rouges », dit un personnage à un autre lors d'une vive dispute dans L'été dernier. C'est à peu près la journée de travail moyenne de Catherine Breillat, l'une des plus grandes cinéastes françaises vivantes, dont le premier long métrage depuis dix ans montre qu'elle n'a perdu ni son talent ni son audace.
L'été dernier n'est pas sexuellement explicite à la manière de certains des premiers longs métrages de Breillat, comme celui de 1999 Romance. C'est tout de même une provocation, ainsi qu'une histoire prenante (le scénario de Breillat et Pascal Bonitzer est basé sur le film danois de 2019 Reine de cœurbien que des changements importants aient été apportés, y compris la fin).
Agée d'une cinquantaine d'années, l'héroïne Anne (Léa Drucker) est une avocate à succès qui travaille pour la protection de l'enfance et qui vit heureuse en ménage avec son aîné Pierre (Olivier Rabourdin). Élégante et d'apparence calme, elle semble avoir tout ce qu'elle peut désirer, mais elle est prête à tout risquer pour une liaison secrète avec son beau-fils de 17 ans, Théo (Samuel Kircher, nouveau venu), un garçon boudeur au sourire moqueur et insouciant.
Toutes sortes de choses dans ce scénario sont susceptibles de diviser le public, notamment la question de savoir si cette relation est un tant soit peu crédible (même si des choses plus étranges se sont sans aucun doute produites) et si Anne est simplement un prédateur et Theo une victime.
De son côté, Breillat ne considère pas la loi comme un arbitre final, et elle ne propose pas non plus de jugement moral. Le film suggère plutôt que lorsque le désir prend le dessus, la morale s'envole par la fenêtre : toutes sortes de trahisons et de transgressions peuvent survenir, ce qui n'est pas quelque chose à déplorer mais fait partie de la nature de la vie.
En même temps, L'été dernier est une leçon sur l'art de la mise en scène. Au fur et à mesure que Anne et Théo se rapprochent, le film tente lui aussi de séduire : une grande partie de l'action se déroule en extérieur, par des après-midis ensoleillés, dans un contexte d'aisance décontractée sur lequel Breillat est aussi lucide qu'elle l'est sur l'intrigue.
La mise en scène est simple, le plus souvent en plan large, la caméra se rapprochant dans les moments d'intensité émotionnelle et physique. L'un des thèmes du film est la façon dont même les gestes les plus innocents sont chargés de sens ; un autre est le mystère des visages, qui peuvent tout ou rien révéler.