Les innocents ★★★★
(M) 99 minutes
Sylvie, une femme d’un certain âge (Anouk Grinberg), enseigne le théâtre dans une prison française. Parce qu’elle est optimiste et rêveuse vive, elle tombe amoureuse d’un des détenus. Son fils Abel (Louis Garrel) est consterné par son troisième mariage en prison. C’est une récidiviste, une romancière en série, avec des émotions d’adolescente.
Il y a une scène amusante dans une voiture sur le chemin de la prison. « Je suis toujours ta mère », dit-elle à son fils désapprobateur. « Oui, et tu es fou », répond-il. À ce moment-là, ils se précipitent derrière un bus de la prison et Sylvie amène la voiture, imprudemment près. Elle veut que son amant rencontre son fils, même si c’est par la fenêtre. Il a raison, elle est folle.
La première partie – une mère qui enseigne le théâtre aux condamnés – est autobiographique. Louis Garrel grandit entouré d’hommes d’une certaine expérience. Il reste fidèle à lui-même dans tous ses films; il en a fait quatre depuis 2015. Les autres sont Deux amis, Un homme fidèle et La Croisade. Dans chacune, le personnage de Garrel s’appelle Abel : une de ses marques de fabrique. Il joue lui-même, avec des variations. Cette fois, ce n’est pas gratuit.
Abel numéro quatre est égocentrique et méfiant, en proie au chagrin depuis la mort de sa femme. La belle Clémence (Noémie Merlant) était la meilleure amie de sa femme. Elle et Abel sont liés par le chagrin mais Clémence est son opposé – débordant de vie et d’amour, une aventure qui attend de se produire. Abel commence à suivre Michel, le nouveau mari de sa mère, magnifiquement joué par Roschdy Zem. Abel découvre bientôt ce qu’il soupçonnait : Michel prépare un travail.
L’innocent est un hybride délicieux, comme les autres films de Garrel – un drame, parce que les émotions sont jouées directement ; une romance, car les personnages recherchent l’amour ; et surtout une comédie, car Garrel la pousse tranquillement vers le chaos logique. Cela produit une belle sorte de surréalisme où les situations sont constamment renversées et inversées, comme dans la farce française. Alors, pour protéger sa mère des méchants, Abel doit-il devenir un méchant ? Clémence est impatiente de participer, quoi de plus amusant qu’un vol à main armée ?
Cela produit une comédie classique de rire plutôt que de geste. C’est drôle à cause de la profondeur du personnage, plutôt que du jeu comique. Les performances sont toutes droites, les situations suffisamment réelles pour mettre en danger. Le mélange des personnages génère l’élévation dans le conte de fées, où tout à coup, tout est complètement détraqué. Ce que je décris ici était autrefois courant, mais c’est maintenant rare – sauf peut-être en France, qui a ses propres traditions comiques à défendre, depuis longtemps. Et comme n’importe quel Français vous le dira, les Français n’aiment pas le changement. En plus ça change, comme on dit.